Le Québec est beaucoup plus généreux pour les agriculteurs que les autres provinces, riposte le ministre
Par: Martin Ménard
Tel que publié sur: La Terre de chez nous (laterre.ca)
Photo de couverture: Martin Ménard (TCM)
Dans une entrevue accordée à La Terre, le ministre québécois de l’Agriculture, André Lamontagne, réplique aux récentes accusations du directeur général de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Charles-Félix Ross, d’avoir exagéré la réussite de la politique bioalimentaire 2018-2025 et de ne pas avoir évalué le principal critère aux yeux de l’UPA, c’est-à-dire la rentabilité des fermes.
Sans vouloir entrer dans une guerre de chiffres, il donne en exemple les 12 000 producteurs qui ont une garantie de prêt à La Financière agricole du Québec. « En 2022, il y en avait 321 qui étaient en retard dans les paiements. En 2023, il y en avait 311. En 2024, il y en avait 363. Cette année, on était à 348. Si je me fais dire qu’il y a 30 % des entreprises qui sont en faillite, ce n’est pas ça la vérité », nuance-t-il.
Sans minimiser le fait que certaines fermes éprouvent de la difficulté, il croit qu’il faut éviter de généraliser avec des constats alarmistes, puisque plusieurs fermes sont en très bonne santé, argue-t-il, ajoutant que les taux d’intérêt ont diminué, que les prix de certains intrants ont redescendu et que les problèmes associés aux chaînes d’approvisionnement se sont résorbés. Bref, une portion des problèmes de rentabilité que vivent actuellement certaines fermes sont conjoncturels, analysent le ministre et son équipe. Les investissements réalisés par les agriculteurs vont se traduire en des gains de rentabilité, ajoute-t-il, lui qui a mis sur pied plusieurs programmes d’investissements à la ferme.
400 M$ d’aide directe réclamée sur 10 ans
L’UPA estime que la réussite de la prochaine politique bioalimentaire 2025-2035 nécessitera 400 M$ d’aide directe sur 10 ans qu’il faudra verser aux producteurs afin d’assurer la pérennité de leurs fermes. Le ministre répond que dans un monde où les demandes sont illimitées, les ressources financières sont malheureusement limitées.
Les chiffres de son équipe indiquent que le Québec est déjà plus généreux que les autres provinces et plusieurs autres pays.
Si on prend ce qui est payé par le Québec en soutien [à nos entreprises agricoles] par rapport à ce qui se fait ailleurs au Canada, ce n’est pas 10 %, 15 % ou 20 % de plus, c’est 300 % de plus, que le Québec donne.
-André Lamontagne
Un document de son ministère démontre que, pour la période de 2020 à 2024, le Québec a décaissé, pour les programmes de soutien du revenu agricole, y compris tous les programmes Agri et celui de l’Assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA), un montant représentant 4,6 % des recettes monétaires des agriculteurs qui ne sont pas sous gestion de l’offre contre 1,4 % pour la moyenne des agriculteurs des autres provinces canadiennes. Constat semblable pour les initiatives dites stratégiques, qui incluent des subventions pour les services-conseils, où le Québec verse 4 % des recettes monétaires des producteurs en subventions contre 1,2 % pour la moyenne des autres provinces canadiennes. Seul l’Ontario se rapproche légèrement du Québec en versant 2,2 % en subvention d’initiatives stratégiques.
« Je ne fanfaronne pas »
En conclusion, André Lamontagne souligne l’importance de ne pas se limiter aux éléments négatifs, mais de s’appuyer sur les avancées et les succès d’un grand nombre d’entreprises agricoles et de transformation agroalimentaire. « C’est difficile dans bien des cas, mais dans bien d’autres cas, il arrive aussi qu’on a des succès. Et quand je dis que je suis fier de nos succès, puis de nos réussites, je ne fanfaronne pas! »
De l’argent recyclé?
L’UPA et certains de ses groupes affiliés ont reproché à la nouvelle politique bioalimentaire 2025-2035 de manquer de moyens avec son montant d’un peu plus d’un milliard qui serait plutôt de l’argent recyclé, dit l’UPA. Le ministre apporte des précisions, affirmant que sans être de l’argent neuf, le budget est pérennisé pour cinq ans. En d’autres mots, la politique bioalimentaire aurait pu être soumise à un budget incertain et révisé annuellement, alors que le concept actuel mise sur une enveloppe d’argent assurée chaque année pour cinq ans.
Bien investir les fonds publics
En consultant les chiffres calculés par son équipe, selon le modèle de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), incluant l’effet de la gestion de l’offre, André Lamontagne stipule que les producteurs du Québec sont plus soutenus par les transferts gouvernementaux et par le soutien des prix du marché que les producteurs américains, ceux du reste du Canada et la majorité du reste du monde.
Cela ne veut pas dire qu’il faut s’arrêter là. Il fait des demandes pour obtenir plus d’argent, mais chaque dollar doit être bien dépensé, soutient le ministre. « Si j’ai 100 M$ de plus, je ne ferai pas des chèques pour les envoyer aux producteurs [comme certains groupes le demandent]. Si on veut rendre nos entreprises plus rentables, si on veut rendre nos entreprises plus durables, la meilleure façon, c’est de poser des gestes [permettant d’améliorer la rentabilité], car si on envoie juste des chèques, est-ce qu’on a l’ombre d’une garantie qu’on fera mieux qu’avant? »
Dans cette même lignée, le ministre fait valoir que le Plan d’agriculture durable 2025-2030 présentera du changement afin d’obtenir le meilleur retour sur investissement des fonds publics pour aider le milieu agricole. « Il y a des choses dont on s’est aperçu, qui n’étaient peut-être pas la meilleure façon d’investir », dit-il.