Le canola, la fleur au cœur d’une guerre commerciale internationale
Photo de couverture: Radio-Canada / Cory Herperger
Cela fait maintenant deux mois que la Chine impose des droits de douane de 100 % sur l’huile et le tourteau de canola canadien, alimentant une guerre commerciale entre Ottawa et Pékin.
Un dossier d'importance pour le milieu agricole, notamment en Saskatchewan, qui a produit l’an dernier 55 % du canola canadien, selon le Conseil canadien du canola.
Voici quelques pistes pour mieux comprendre ce conflit.
En août 2024, le Canada emboîte le pas à Washington et annonce qu’il imposera en octobre des droits de douane de 100 % sur tous les véhicules électriques fabriqués en Chine et de 25 % sur l'acier et l'aluminium chinois.
Le gouvernement Trudeau accuse la Chine de concurrence déloyale et affirme son engagement à protéger ses travailleurs.
Pour Devan Mescall, professeur à l'Edwards School of Business de l'Université de la Saskatchewan, Ottawa a surtout cédé à la pression de l'administration américaine, qui souhaitait une approche nord-américaine coordonnée dans ce dossier.
Début mars, la Chine riposte. Pékin annonce qu’elle imposera des droits de douane sur certains produits canadiens, notamment une taxe de 100 % sur l’huile et le tourteau de canola, à partir du 20 mars.
Pékin a affirmé qu'une enquête antidiscrimination lancée en septembre avait conclu que les taxes canadiennes portaient atteinte aux entreprises chinoises et nuisaient à l'ordre normal du commerce, ce qui a poussé la Chine à répliquer.
Pourquoi viser le canola?
Devan Mescall soutient que le canola est un choix stratégique de la part de la Chine. Il explique qu’il y a une certaine vulnérabilité politique entourant l’agriculture, notamment parce que la sécurité alimentaire est un enjeu qui touche l’ensemble de la population.
Les droits de douane sur l'agriculture sont souvent très efficaces lorsqu'il s'agit de représailles, car il s'agit d'un outil à faible risque et à forte récompense dans le cadre d'une guerre commerciale.
En général, l'industrie agricole est assez fragile. Les marchandises peuvent s'abîmer, elles sont en quelque sorte sensibles au temps. C'est ce qui en fait l'efficacité, ajoute-t-il.
La Chine est actuellement le deuxième marché en importance pour les exportations de canola canadien. En 2024, les exportations vers la Chine étaient estimées à 4,9 milliards de dollars, selon le Conseil canadien du canola.
Les exportations d'huile et de tourteau de canola s'élevaient en 2024 respectivement à 20,6 millions et à 918 millions de dollars, et représentaient environ un cinquième des exportations de canola vers la Chine.
Le président et chef de la direction au Conseil canadien du canola, Chris Davison, croit que tout droit de douane sur le canola et les produits dérivés du canola canadien aura un impact négatif.
M. Davison soutient que les tarifs créent de l'imprévisibilité et de l’incertitude, d'autant plus qu'ils ont été mis en application à quelques semaines de la saison d’ensemencement.
Selon lui, les effets se ressentent tout au long de la chaîne de valeur, qui comprend notamment des agriculteurs, des entreprises fournissant des semences, des engrais et d'autres intrants, les sociétés céréalières et les transformateurs, ainsi que les exportateurs de canola.
Les tarifs chinois ne s'appliquent pas aux graines de canola.
Or, en septembre dernier, la Chine a annoncé qu'elle lancerait une enquête antidumping sur les graines de canola canadiennes.
Les résultats de cette enquête n’ont pas encore été révélés.
Le canola canadien visé pour une deuxième fois
En mars 2019, le gouvernement chinois avait bloqué les exportations de graines de canola des entreprises Richardson International et Viterra.
La Chine avait invoqué la présence de parasites dans les exportations canadiennes pour justifier cette interdiction.
La décision du gouvernement chinois est intervenue quelques mois après l’arrestation de la directrice financière du géant chinois des télécommunications Huawei, Meng Wanzhou, en sol canadien, à la demande des États-Unis.
Selon le Conseil canadien du canola, l'industrie a perdu entre 1,54 et 2,35 milliards de dollars en raison de la perte de ventes et de la baisse des prix entre mars 2019 et août 2020.
Et maintenant?
Pour Chris Davison, les opportunités liées au canola ne se limitent pas à la Chine : L'huile et le tourteau de canola suscitent un intérêt pour différentes utilisations sur différents marchés.
Mais s’il soutient que l’industrie du canola travaille depuis longtemps à diversifier ses marchés, Chris Davison croit que cela ne peut pas remplacer un marché d'importance comme celui de la Chine.
Il ajoute qu'il ne s'attendait pas à ce qu’il y ait des avancées dans le dossier des tarifs douaniers chinois durant la récente période d'élection fédérale canadienne, alors qu'on ne savait pas qui allait former le gouvernement.
“Mais maintenant que cela est clarifié, nous réitérons certainement notre demande et exhortons le gouvernement du Canada à s'engager sur cette question.”