Transition climatique des agriculteurs: Québec bonifie son aide de 81 millions
Par Daphnée Cameron
Publié par: La Presse
Photo de couverture: Edouard Plante-Fréchette, Archives La Presse (André Lamontagne, ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec)
Grâce à la fameuse « taxe carbone » perçue sur les carburants, Québec a annoncé mercredi qu’elle bonifiera de 81 millions sur cinq ans son aide pour appuyer la transition climatique des agriculteurs, qui sont à la fois victimes et contributeurs au réchauffement de la planète.
Cette annonce survient alors que l’Union des producteurs agricoles (UPA) – le syndicat qui représente les 42 000 fermiers de la province – milite pour une exemption de la taxe carbone pour son industrie, qui consomme du diesel pour opérer la machinerie et du propane pour chauffer les bâtiments et sécher les grains.
« Le Québec, on a fait un choix, ça fait quand même une douzaine d’années, de mettre un prix sur la pollution, de mettre un prix sur les émissions », a expliqué en entrevue avec La Presse, le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, André Lamontagne. « L’argent qui s’en va dans le fond vert est redistribué pour accompagner toutes sortes de pratiques dont l’objectif est de diminuer les gaz à effet de serre », souligne-t-il.
Avec cet ajout de 81 millions, Québec porte son soutien total à 187 millions d’ici 2030 pour des initiatives qui viendront aider les agriculteurs à diminuer leur bilan carbone, mais aussi à s’adapter aux changements climatiques. La forte grande majorité provient du Fonds d’électrification et de changements climatiques financé par la taxe carbone et une petite portion, du Fonds bleu du ministère de l’Environnement.
« L’agriculture, c’est le troisième plus gros contributeur aux gaz à effet de serre. Tu as le transport, tu as les industries, puis tu as l’agriculture. Donc il y a un effort à faire là qui est important », souligne le ministre Lamontagne. « L’objectif, c’est qu’une grosse partie de cet argent-là va se ramasser sur les fermes […] pour l’adaptation aux changements climatiques. »
Les mesures
Une importante partie des sommes annoncées serviront à électrifier davantage les fermes, avec l’injection de 30 millions de dollars supplémentaires pour financer le programme visant le raccordement au réseau électrique triphasé, pour un total de 55,3 millions.
« On continue de peser sur l’accélérateur pour couvrir des rangs », illustre le ministre Lamontagne.
Près de 10 millions seront dédiés à mettre en œuvre des projets qui visent à réduire les émissions du secteur bioalimentaire.
Les agriculteurs sont parmi les premiers touchés par les extrêmes météos causées par la crise climatique. Plus de 21 millions de dollars seront dédiés pour améliorer les pratiques des producteurs dont les terres sont situées dans les littoraux comme c’est le cas autour du lac Saint-Pierre.
Le secteur agricole québécois a émis environ 8 millions de tonnes de CO2 en 2022, rapporte l’inventaire GES du Québec. Or, ce n’est qu’entre 11 % et 18 % des émissions de GES du secteur agricole qui proviennent des carburants et donc qui font l’objet d’un coût sur le marché du carbone auquel le Québec participe.
Cette taxe est présentement fixée « à peu près 7,4 sous » le litre, souligne le ministre. (En revanche, la taxe de vente du Québec est remboursée lorsque le carburant est destiné à des usages agricoles.)
Le ministère de l’Environnement calcule que depuis 2013, les agriculteurs du Québec ont versé par l’entremise de la taxe carbone, environ 271 millions dans le Fonds d’électrification et de changements climatiques. Cette somme concerne uniquement les activités sur la ferme. En incluant le transport des produits vers les marchés (qui ne sont pas nécessairement défrayés par les agriculteurs) la somme atteint 487 millions.
« On s’aperçoit qu’en 2013 jusqu’à 2024, il y a 360 millions qui ont été revirés directement aux entreprises [agricoles] par le ministère de l’Environnement avec ses programmes », indique le ministre Lamontagne.
La bourse du carbone, « c’est utile pour le Québec, ça nous donne des outils qu’ailleurs, ils n’ont pas », a-t-il ajouté.
L’UPA estime pour sa part que cette « ponction de montants exorbitants » nuit à la compétitivité des entreprises agricoles.
« L’approche proposée par le gouvernement du Québec est intéressante et bien structurée. L’atteinte d’un meilleur équilibre entre la tarification du carbone imposée à nos entreprises et les bénéfices qu’elles en retirent n’est toutefois pas au rendez-vous », a déclaré le président général de l’UPA, Martin Caron, par voie de communiqué en réaction à cette annonce.