mercredi 15 avril 2015

LETTRE OUVERTE SIGNÉE DE M. SERGE BEAULIEU, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION DES
PRODUCTEURS ACÉRICOLES DU QUÉBEC

Rétablissons les faits : mise en marché du sirop d’érable québécois

Chaque année, les Québécois attendent avec impatience le retour de la saison des
sucres. Et chaque année, ce retour s’accompagne malheureusement de
discours libertariens quant à sa mise en marché… et force est de constater que de
nombreux chroniqueurs ne font que répéter la chanson sans analyser ces sérénades.
Alors encore une fois, la Fédération des producteurs acéricoles, représentante des
quelque 7 300 entreprises acéricoles du Québec, se doit de rétablir les faits.

Tout d’abord, il existe trois principaux canaux de vente pour la mise en marché du sirop
d’érable au Québec, et non un seul, comme beaucoup se plaisent encore à répéter.
Le premier canal est celui de la vente directe au consommateur en contenant de
moins de 5 litres, dont fait partie la fameuse canne de sirop. Tous les producteurs, sans
aucune exception, qu’ils soient gros, moyens, petits, détenant ou pas un contingent,
peuvent utiliser sans aucune limite ce canal de vente, et ce, sans aucun contrôle ou droit
de regard quelconque de la Fédération. Selon les estimations conservatrices, ce canal
représente environ 10 millions de livres de sirop d’érable annuellement ou plus ou moins
10 % de la production annuelle québécoise.

Un deuxième canal est celui de la vente aux intermédiaires (par exemple en
épiceries) toujours en contenants de moins de 5 litres. Les quelque 7 300 producteurs
détenant du contingent peuvent utiliser ce canal et ces ventes sont calculées dans la
comptabilisation de leur contingent annuel. Dans ce canal, la Fédération n’intervient
aucunement dans la fixation du prix. C’est au producteur de développer son lien d’affaire
avec son épicier du coin afin de mettre en valeur son produit. Environ 4 à 5 millions de
livres de sirop d’érable sont ainsi écoulées chaque année au Québec.

Le troisième canal est celui de la vente en vrac en contenants de 5 litres et plus,
principalement en barils, qui est le canal de vente privilégié par la majorité des 7 300
détenteurs de contingent. Par ce canal, l’acériculteur a le choix de livrer son sirop
d’érable à l’un des quelque 60 acheteurs autorisés de la province ou encore à la
Fédération. Celle-ci est tenue de négocier, avant la récolte, le prix du sirop d’érable livré
en vrac avec l’ensemble des acheteurs.

Parlons ensuite de la fameuse étude économique réalisée par la firme Forest Lavoie
Conseil qui semble faire actuellement les délices de certains adeptes du libre marché,
des libertariens et autres « free rider » de ce monde. Il est d’abord important de rappeler
que c’est la Fédération elle-même, en partenariat avec l’association des acheteurs, qui a
commandé cette étude. Ces deux parties ont par ailleurs créé un comité mixte qui a le
mandat d’identifier les stratégies gagnantes qui permettront non seulement de conserver
les marchés actuels, mais de les développer davantage. La Fédération est loin de
s’asseoir sur ses lauriers!

Toujours à propos de cette étude, les fameux détracteurs du système actuel n’ont retenu
qu’un seul point, soit la diminution progressive de la part du Québec dans le marché
mondial du sirop d’érable au cours des dix dernières années. La Fédération n’a jamais
nié ce fait, mais ne considérer que ce seul élément de l’étude est profondément
incomplet et malhonnête. D’ailleurs, la première conclusion de l’étude est la suivante :
« Le système québécois de mise en marché a démontré son
efficacité à stabiliser les prix et l’offre de sirop. » Forest Lavoie,
2014

Mais cette conclusion, peu de chroniqueurs et d’éditorialistes l’ont soulevée. Également,
la Fédération aimerait faire remarquer que la demande mondiale de sirop entre 2000 et
2015 est passée de 90 millions à plus de 150 millions de livres et le nombre d’entailles
québécoises, pour faire face à cette demande, a augmenté de 30 % (de 33 à
43 millions) pendant la même période. En outre, plus de 380 nouvelles entreprises ont
démarré entre 2007 et 2010 grâce à un programme spécial d’émission de nouveau
contingent. Aussi, depuis 2009, on constate une croissance annuelle des ventes de
l’agence de vente de sirop d’érable de 9,8 %, une croissance annuelle des exportations
canadiennes de produits de l’érable de 7,6 % et une croissance annuelle des paiements aux producteurs de 8,5 %. Pas si mal quand même pour une Fédération qu’on accuse
d’immobilisme!

En terminant, si la tendance actuelle se maintient, la récolte de sirop d’érable pourrait
être relativement modeste cette année. Ce qui nous amène à la fameuse réserve
stratégique, associée par certains à un outil maudit, parce qu’elle permettrait à la
Fédération de maintenir les prix artificiellement élevés. Rappelons que la réserve a un
rôle de stabilisation de l’offre pour stabiliser les prix. À cet effet, notons que le prix de la
fameuse canne de sirop d’érable à l’épicerie a continuellement diminué depuis 2010,
passant de 8,32 $ à 8,02 $ en moyenne, alors que les prix de l’alimentation sont en
hausse supérieure à l’inflation depuis ce temps. Ainsi, si l’existence de la réserve
stratégique a permis de stabiliser les prix versés aux producteurs à la suite des récoltes
record des deux dernières années, elle permettra aussi de stabiliser les prix payés par
les consommateurs québécois à la suite de la récolte 2015. C’est aussi à cela que sert
la fameuse réserve stratégique.

Lors de la tournée des régions effectuée durant l’hiver dernier, la très grande majorité
des producteurs acéricoles présents se sont de nouveau montrés non seulement
satisfaits, mais fiers du travail effectué par leur Fédération au cours des dernières
années, ce qui leur permet de vivre décemment de leur production et de contribuer à
hauteur de trois quarts de milliards de dollars au produit intérieur brut canadien.
Cependant, lorsque certaines personnes bardées de diplômes et leurs chroniqueurs
associés véhiculent des faussetés pour servir leurs idéologies, il apparait nécessaire à la
Fédération, au nom des 7 300 entreprises qu’elle représente, de rétablir les faits.

Serge Beaulieu, Président
Fédération des producteurs acéricoles du Québec

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