jeudi 09 février 2012
Brebis laitières…
Un incubateur est né!
(Par Yves Allard)
C’est à la suite d’une
information reçue de Dominique Ferland que Pierre Péloquin décida un
beau jour d’aller rencontrer Alain Beaudin, Commissaire Agricole de
la Chambre de Développement Agricole Pierre-De Saurel. M. Beaudin
avait alors un projet d’incubateur, et Pierre Péloquin était à la
recherche d’un projet qui lui permettrait de revenir aux sources en
démarrant sa propre entreprise agricole. Cette alliance s’avéra des
plus prolifiques, puisqu’au bout de quelques mois seulement, notre
région voyait naître une toute nouvelle entreprise agricole… Mais ce
n’est que le début!
C’est
tout près de 150 brebis laitières qui sont arrivées à
Ste-Anne-de-Sorel le 23 décembre dernier et le projet continu
d’avancer à grand pas. En date du 6 Février, il restait encore
certains travaux à compléter avant que l’aménagement de l’endroit
soit à 100% terminé, mais tout sera vraisemblablement prêt à temps
pour la deuxième phase du projet.
L’un des objectifs primaires de
l’incubateur est de mettre sur pied une base de données qui pourra
servir à ceux et celles qui voudraient eux aussi aller dans cette
direction et ainsi prendre part au développement de cette nouvelle
avenue qui s’ouvre chez nous. Donc, la mise sur pied de cet
incubateur signifie bien plus que l’arrivée d’une nouvelle
entreprise agricole, puisqu’il favorisera l’implantation dans la
région d’autres entreprises productrices de lait de brebis. C’est
donc le développement chez nous d’un nouveau produit de créneau qui
pourrait créer une synergie en milieu agricole nous permettant de
nous démarquer ici et ailleurs.
« C’est l’outil qui va faire
la différence dans l’accompagnement, l’apprentissage et le
réseautage de la filière qui se développe. L’incubateur mettra en
interrelation les incubés et la filière dans un objectif commun.
Déjà, lorsque nous parlons de secteur de créneau, de valeurs
ajoutées ou de nouvelles filières, les dinosaures sortent leurs
grandes peurs et détresse en exprimant leurs paradigmes et leurs
constats d’échec. Force est de constater que ces gens ont été
brisés par le passé et que l’isolement n’a fait qu’amplifier leurs
peurs. Et c’est pour cette raison que l’incubateur instaurera la
culture de trois conditions essentielles au développement soit : la
mesure, le partage et l’intelligence » me lança d’emblée
Alain Beaudin.
Pierre Péloquin fait lui aussi
partie des gens qui croient fermement au partage et à l’échange
d’information lorsque l’on veut avancer, développer, ou améliorer
les différentes techniques en place : « On a toujours à apprendre
des autres » me lança-t-il d’un ton convaincant. « Moi je crois à la
force de la collaboration… quand personne n’a le gros bout du bâton,
que tout le monde travaille ensemble pour que ça marche… »
Parlant de collaboration, ce
projet novateur n’aurait pu être mis sur pied aussi rapidement n’eût
été de l’implication d’un autre joueur indispensable, la Laiterie
Chalifoux Inc. Oui, c’est cette entreprise bien de chez nous aux
racines solides qui s’occupera de la partie transformation du
produit ainsi que de sa mise en marché.
Rejoint au téléphone, Alain
Chalifoux, vice-président de l’entreprise, se disait très heureux de
ce nouveau partenariat, et son enthousiasme ne faisait aucun doute.
Pour lui, l’un des défis les plus importants se passera évidemment
au niveau de la recherche et du développement. Établir un haut
standard de qualité afin de créer un produit exceptionnel, ainsi que
s’assurer d’un approvisionnement adéquat reflétant une demande
croissante, voilà des éléments qui ne sont assurément pas pris à la
légère par M. Chalifoux et son équipe.
Ce dernier utilise le mot
« fierté » lorsqu’il nous parle de l’arrivée imminente sur nos
tablettes d’un fromage au lait de brebis produit chez nous: « Être
des précurseurs en fabricant un produit unique exceptionnel est
évidemment très stimulant, et en plus, mon père a toujours eu un
grand faible pour ce type de fromage » mentionna-t-il d’un ton on ne
peut plus humain. M. Alain Chalifoux, qui représente la 4ième
génération de l’entreprise familiale, ne manqua pas de souligner
également le lien de longue date qui unit sa famille et celle de
Pierre Péloquin, un sentiment d’appartenance qui ne fait qu’ajouter
une plus-value au projet.
Lorsque je lui ai demandé l’un
des buts visés avec ce nouveau fromage, il répondit sans aucune
hésitation : « Gagner un concours international « en équipe » pour
le meilleur fromage au lait de brebis… Et soutenu par notre filière
ovine, j’suis sûr qu’on est capable… ». Oui, il mit lui aussi
l’emphase sur le fait de réussir « en équipe »… Comme quoi ces trois
joueurs sont assurément sur la même longueur d’ondes!
En passant, bien que les deux
animaux soient souvent « comparés », le goût du fromage de chèvre et
celui de brebis est fort différent. Celui de brebis est beaucoup
plus doux, donc un potentiel commercial accru une fois la « recette
idéale » déterminée.
Bien qu’il n’ait jamais désiré
quitter l’agriculture, pendant une certaine période, Pierre Péloquin
a occupé une partie de son temps en travaillant dans le domaine de
la construction. Lorsque je lui ai demandé comment il avait trouvé
l’expérience, sa réponse était sans équivoque : « J’étais
dévalorisé… Je sentais que j’étais carrément à côté de ma
destinée… ».
Pour lui, la mise sur pied de ce
premier incubateur de brebis laitières dans la région représente
donc beaucoup plus qu’un simple défi ou un beau projet. C’est rien
de moins que le retour aux sources qu’il se devait de faire afin de
renouer avec la fierté que lui procure la vie en milieu agricole.
Suite aux diverses prises de
conscience engendrées par son parcours, Pierre Péloquin se donne
également aujourd’hui une « responsabilité sociale » face au monde
agricole. Son défi actuel ne se limite donc pas à la réussite de sa
seule entreprise. Ce dernier est fort conscient des embûches
auxquelles font face plus que jamais les jeunes qui veulent démarrer
en agriculture, et espère à sa façon offrir une alternative à
certains modèles déjà en place. Tous ne peuvent pas, ou ne désirent
pas être à la tête d’une méga entreprise comme on en voit de plus en
plus. Au lieu de s’endetter « à tout casser » et viser les
rendements d’une multinationale, Pierre Péloquin, lui, croit
toujours à la force des entreprises familiales et à l’essor que
celles-ci peuvent procurer à une région.
Alain Beaudin, Commissaire Agricole (Chambre de Développement
Agricole Pierre-De Saurel), Marco Lavallée, Directeur Général de la
Société d’Agriculture de Richelieu (SAR), M. Pierre Lacombe, Maire
de Ste-Anne de Sorel, Pierre Péloquin, propriétaire de la nouvelle
bergerie
Daniel Brouillard, Président de la SAR.
D’ailleurs, vu la quantité
requise de lait pour développer une part importante de marché, Alain Chalifoux, Pierre Péloquin, et Alain Beaudin lancent l’invitation
aux individus qui aimeraient eux aussi prendre part au projet en
mettant sur pied d’autres bergeries, basé sur ce modèle.
De son côté, Pierre a déjà
spontanément ouvert sa porte lorsqu’à deux reprises des gens se sont
montrés intéressés par la mise sur pied d’une entreprise de brebis
laitières. Grâce à l’incubateur, il sera en mesure de les initier,
de les « former », et de les préparer afin qu’ils puissent eux aussi
à leur tour faire « le grand saut ».
« Pour moi, l’agriculture c’est
plus qu’un métier… c’est un rythme de vie… Pis j’veux garder ça
d’même… » me lança-t-il pour conclure. Et quelque part, j’ai
tendance à croire qu’il ne doit pas être le seul agriculteur à voir
cela de cette façon… Pas vrai? ;o)
Je termine sur ces mots pour le
moment, mais voici quelques citations que j’ai notées suite à ces
rencontres :
« Seuls on va vite, mais
ensemble on va loin » -Alain Beaudin.
« Choisis un travail que tu
aimes, et tu n'auras pas à travailler un seul jour de ta vie. »
Proverbe de Confucius, cité par Pierre Péloquin.
Et ma favorite :
« Quand je fais une p’tite
prière le soir avant de me coucher, je dis au Bon Dieu, si tu
m’aimes, fait que je finisse ma vie avec mes bottes de rubber »
-Pierre Péloquin. |