mardi 14 juin 2011
Les mains sales,
au sens propre
(Par Yves Allard)
Nous sommes vendredi matin, et
comme c’est le cas presque tous les jours depuis plusieurs semaines,
il pleut encore. Je me dis que ce n’est pas un temps favorable à la
plantation d’arbres, et que, par conséquent, l’activité prévue au
programme aujourd’hui par la chambre de Développement Agricole est
sûrement tombée à l’eau. Je vérifie tout de même auprès de M. Alain
Beaudin, commissaire agricole et instigateur de l’évènement,
histoire de me confirmer ce que je me doute bien déjà.
C’est à ce moment que je réalise
que mes racines de citadins faussent parfois mon jugement : Il
pleut, les terres sont détrempées, mais il n’y a pas de raisons pour
que nous ne nous rendions pas dans un champ à St-Robert pour planter
75 arbres avec des jeunes du primaire!
Convaincu que j’allais passer la
journée au bureau, je réalise en arrivant à la ferme Pierre et Paul
Caplette que je porte encore mes « running shoes » blancs et que le
terrain les regarde avec un sourire en coin un peu trop prononcé à
mon goût. Mais Paul Caplette entend la détresse de me godasses et
me propose de me prêter les « bottes d’eau » de son fils Frédérick.
Je constate que lui et moi chaussons la même pointure, excellent, je
suis soulagé, et je m’empresse de les enfiler afin d’aller rejoindre
en courant les jeunes qui descendent déjà de l’autobus jaune.
Appareil photo d’une main,
parapluie de l’autre, je me retrouve rapidement au feu de l’action
entouré de 66 jeunes de niveau élémentaire, 5 agriculteurs, 1
agricultrice, 5 professeurs, du gazon, des trous et de la
« bouette » un peu partout. Une fois les consignes expliquées aux
enfants par les bénévoles, les jeunes débutent le travail prévu,
soit la plantation de 75 arbres.
Les premiers commentaires
entendus de la part des enfants:
·
« Ouach, j’vas avoir les mains toutes
sales! »
·
« Hen, c’est ça de la terre?? On dirait
de la bouette!»
·
« Y sont dont bin p’tits les arbres! »
·
« heuuuuurk… j’ai vu un gros vers de
terre!! »
·
« Comment on va faire pour se laver les
mains après?? »
Une
fois l’étape d’apprivoisement du sol terminée, la grande majorité
des jeunes n’hésite-pas à mettre la main à la pâte afin
«d’installer » confortablement les arbres dans les trous
préalablement creusés. Ça bouge, ça participe, ça s’amuse… Personne
ne semble se soucier de la pluie qui n’a pourtant jamais cessé de
tomber (à un rythme somme toute modéré, mais tout de même!).
J’ai appris quelques trucs
(comme la différence entre un sapin et une épinette : l’un a les
branches « plates », l’autre à des « aiguilles » tout autour des
branches), et malgré la fébrilité engendrée par une sortie du genre,
les jeunes étaient attentifs et tout s’est très bien déroulé.
Une
fois le travail accompli, les participants étaient tous invités à
remonter à bord de l’autobus afin de se rendre à la ferme Pierre et
Paul Caplette, où un petit goûté les attendait.
Alors que « l’expérience » des
agriculteurs vint en aide aux plus inquiets en leur proposant de
retirer une partie de la boue sur leur main à l’aide d’herbe et de
feuilles avant de reprendre la route, d’autres s’étaient déjà
« adapté » à leur « nouvelle peau » et n’en faisaient plus de cas.
Une fois rendu à la ferme, un
deuxième « lavage » de petites mains s’avéra nécessaire afin de les
rendre suffisamment propre pour procéder à l’étape de dégustation de
fromage et de lait au chocolat. Ça a l’air de rien comme ça, mais
essayer de faire passer au lavabo 72 jeunes de 5 à 8 ans en leur
demandant de se laver les mains rapidement… Pensez-y… Si chacun
passe ne serais-ce qu’une minute au lavabo, ça prendra tout de même
une heure et quart avant que le dernier puisse se rendre au
« buffet »! Mais avec l’aide et les précieux conseils de Pierre
Caplette, Pierre Benoit, Paul Caplette et Alain Beaudin, cette étape
ne dura que quelques minutes et tous furent servis par Isabelle
Palardy et José Broussot en un temps record. Mais croyez-en ma
parole, certains procédaient tout de même avec une telle minutie
qu’il y avait sûrement de futurs chirurgiens parmi cette relève!
Nous avons eu droit à quelques
mots de la part de M. Paul Caplette (que les jeunes ont écouté
attentivement), et de M. Alain Beaudin (dont le discours fut
légèrement écourté dû à l’arrivée de chat de M. Caplette… Oui, un
chat tout ce qu’il y a de plus commun arrive et détourne en un
instant l’attention de tout un groupe d’élève!). Fait intéressant,
plusieurs jeunes connaissaient les réponses à certaines questions
posées par M. Beaudin à propos des arbres. Contrairement à moi, ils
savaient que le bois est utilisé dans la fabrication des vêtements,
des écrans d’ordinateur, de la gomme, de la pâte dentifrice, et de
la crème glacée.
Cette journée s’est terminée sur
des mots d’appréciation de part et d’autre, et ce temps moche et
pluvieux qui nous rend parfois si maussade n’aura pas empêché une
poignée de gens de poser un geste concret et significatif. Quelle
belle initiative, et quelles bonnes valeurs à inculquer à nos jeunes
qui ne demandent qu’à apprendre.
Je tiens à souligner le travail
de chacun des bénévoles : Pierre Caplette, Alain Beaudin, Pierre
Benoit, Paul Caplette, Isabelle Palardy et José Broussot, ainsi que
celui tout aussi important des enseignants et des élèves de l’école
primaire Mgr Prince de St-Robert, qui ont fait de cette journée une
très belle réussite.
Mentionnons également que le
fromage servi au groupe était une gracieuseté de la Fromagerie
Polyethnique (St-Robert), et les berlingots de lait au chocolat, une
contribution de la Laiterie Chalifoux… Deux entreprises d’ici qui
n’ont pas hésité à participer à leur manière à cette activité.
P.S. En bon citoyen urbain que
je suis, j’avais pris soin de mettre mes jeans « par-dessus » mes
bottes d’eau. Avec la hauteur de l’herbe dans le champ, je me suis
retrouvé avec les bats de pantalons trempés jusqu’à la hauteur des
genoux ou à peu près… Certains agriculteurs (que je ne nommerai
pas!) se sont quelque peu moqué de moi… Je vais m’en rappeler! ;o)
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