mercredi 13 juillet 2011

Une Jersey qui donnerait du lait… maternel!

(Par Yves Allard)

Oui, vous avez bien lu, semble-t-il que nous serons possiblement en mesure avant longtemps de faire en sorte que nos amies les vaches produisent du lait maternel. Plusieurs questions d’ordre éthique feront évidemment leur apparition, mais reste que le but semble lui, tout à fait légitime, non?

En argentine, des chercheurs ont greffé deux gènes de femme à une vache pour que l'animal produise des enzymes spécifiques au lait maternel humain. Une génisse prénommée Rosita, une Jersey, est ainsi née avec deux gènes humains régulant la production d’enzymes. Alors que sur photo elle n’arbore aucun signe distinctif par rapport aux autres bovins de même race, elle demeure pourtant une sorte de prouesse scientifique puisqu’elle provient d’un clonage pour le moins particulier.

Ce sont des chercheurs de l'Institut National de Technologie Agricole et de l'Université de San Martin qui ont réalisé cette « innovation » de la race, alors qu’en mars, des chercheurs chinois avaient déjà annoncé avoir créé un troupeau de 200 vaches capables de produire du lait enrichi de trois enzymes humaines (le lysozyme, la lactoferrine et l'alpha-lactalbumine) grâce à une technique différente de celle utilisée par les Argentins. Selon certaines sources, les informations sont restées relativement floues, mais le scientifique à la tête du projet, Li Ning, prévoyait une mise sur le marché d'ici une dizaine d'années.

Évidemment, il faudra attendre encore quelques mois avant de confirmer si les protéines humaines (la lactoferrine et le lysozyme) sont bien présentes dans le lait de Rosita. D’ici la première simulation de grossesse, la génisse est étroitement surveillée et selon Nicolas Mucci, (l'un des trois responsables des recherches), elle devrait éventuellement « donner naissance à des petits qui auront des gènes modifiés dans 25 à 30% des cas» puisque les gènes ne sont pas systématiquement transmis à la descendance. Ces animaux pourraient donc eux aussi produire ce « lait amélioré ».

« Le clonage est jusqu’à présent le seul procédé qui permet de modifier génétiquement et de façon ciblée des animaux d’élevage, par exemple pour fabriquer des protéines thérapeutiques dans les glandes mammaires des vaches », expliquait Eckhard Wolf, spécialiste de la génétique animale à l’université Ludwig Maximilian à Munich. Pour l’homme, c’est en quelque sorte un pas supplémentaire vers l’utilisation du clonage à des fins médicamenteux.

Secrétaire général de la Société française de pédiatrie, le Pr Patrick Tounian quant à lui nous met en garde contre les raccourcis séduisants. «Il s'agit d'une première étape très intéressante, mais le lait produit par cette vache est encore loin d'être du lait maternel», souligne-t-il. «Pour y parvenir, il faudrait transférer à la vache l'ensemble du génome régissant la production de lait chez la femme», soit bien plus de deux gènes, à considérer que cela soit possible.

Plusieurs se souviennent peut-être de Dolly, la première brebis clonée. Ça se passait en 1996, et depuis, les développement engendrés par ce type de démarche ont permis l’apparition de certains médicaments en plus d’atteindre des secteurs tel la xénotransplantation, qui consiste à utiliser des tissus animaux pour remplacer des tissus malades de patients humains, comme le cœur ou le foie.

Alors que le porc est souvent utilisé à cause de ces caractéristiques proches de ceux de l’homme à bien des égards (autant sur le plan physiologique qu’anatomique), nous pourrions donc éventuellement avoir recours aux vaches pour nos propres nourrissons…

Et à quand les premiers humains génétiquement modifiés à partir de gènes d’animaux ? Vaut mieux ne pas trop y penser… ;o)

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