Quand la viande n’aura plus de pattes…
Par Yves Allard


Certains chercheurs croient qu’ils seront possiblement en mesure de produire de la viande de manière artificielle d’ici dix ans. Oui, à partir de cellules musculaires animales, on pourrait se retrouver avec de la viande sans avoir élevé, nourri, et tué une bête. Bon, parait-il que les cultures de cellules obtenues actuellement en laboratoire sont très fines et qu’elles ressemblent plus à du carpaccio qu'à des steaks, mais tout de même…

Bien sûr, de prime abord, le projet semble plus ou moins réalisable. Mais aux Pays-Bas, les recherches vont bon train et la culture à grande échelle (dans des bioréacteurs) de cellules de bœuf, de porc, ou de poulet semble plus que jamais chose possible. C’est le genre de méthode qu’on utilise déjà pour fabriquer de l’insuline, des yogourts ou de la bière par exemple.

Oui, semble-t-il que, grâce aux traitements biophysiques et aux nutriments, il serait éventuellement possible de se retrouver avec un produit proche de la viande qui avance habituellement sur 4 pattes avant de rencontrer nos fourchettes.

De plus, selon ces chercheurs hollandais, «il sera même possible d'avoir une viande plus saine en jouant avec les substrats utilisés pour favoriser le métabolisme des cellules musculaires.» Bon, je ne pourrais personnellement pas vous faire une démonstration de ce principe même si l’on me donnait les bons outils, mais tout de même… Ça semble logique, non ?
 

Bien sûr, une fois la portion scientifique complétée, il faudra voir quel sera le gout et la texture de cette viande artificielle. Le look bâtonnet de goberge à saveur de crabe, le style tofu, ou est-ce que ce sera une sorte de macaronis pas de trous? Tout sera bien évidemment une question de marketing. Pour moi, si l’on appelle ça de la viande, il faut à tout le moins que ça se coupe avec un couteau (éviter certaines couleurs comme le vert ou le bleu ne serait pas une mauvaise idée non plus).

Pour certains, le projet des chercheurs hollandais est utopique. M. Jean François Hocquette, de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) à Clermont-Ferrand, explique que d’arriver à une production massive de viande par ce procédé entrainerait des couts exorbitants. «En outre, ajoute-t-il, il ne faut pas oublier le rôle important de l'élevage traditionnel pour l'entretien des territoires en herbe et des paysages». Ok, j’avoue… Voilà certains facteurs à considérer. Mais c’est sûrement pour cela que le projet risque de se concrétiser seulement dans 10 ans et non dans 10 dodos.

Oui, si l’on regarde ça aujourd’hui, on constate que la facture pour ce type de production serait probablement plus salée que les fines tranches de filet de porc que plusieurs dégustent au petit déjeuner (je fais allusion au bacon… non mais j’aime mieux le préciser, des fois qu’il y aurait des végétariens parmi les lecteurs, ils ne doivent pas souvent manger du bacon pour déjeuner et ne feront probablement pas le lien… remarquez, ça serait surprenant qu’un végétarien lise un texte à propos de la viande… mais en même temps, il doit y en avoir qui sont curieux lorsqu’on aborde un sujet comme celui-ci… donc, je suis probablement en train d’écrire cette parenthèse pour rien… de plus, je crois qu’il s’agit de la plus longue parenthèse que j’ai insérée dans un texte depuis mes débuts pour le monde agricole.ca, et celle-ci semble fort inutile… bon, elle est où mon efface?).

Mais qui ne nous dit pas que dans un certains nombres d’années, le prix que couteront les hormones et les antibiotiques nécessaires au développement des cellules musculaires ne sera pas inférieur à ce que ça en coutera pour produire de la viande sur pattes ?
 

De toute façon, l’idée de faire la culture de viande in vitro serait au moins une solution au problème d’accroissement de la consommation de viande à l’échelon mondial. Selon la FAO (l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture), celle-ci est passée de 70 millions de tonnes qu’elle était au début des années 60, à 284 millions de tonnes en 2007… Et elle devrait doubler d’ici les 40 prochaines années ! «Ce n'est pas possible, il n'y aura pas assez de surfaces agricoles disponibles.

Le mode de consommation calqué sur celui des Américains doit changer», assure Michel Griffon, agronome et économiste auteur de plusieurs ouvrages sur la sécurité alimentaire dans le monde. Pas emballé du tout par la solution de la viande in vitro, Michel Griffon estime qu'il serait plus efficace que les hommes consomment directement les protéines végétales tel le soya, au lieu de les donner au bétail comme c'est le cas en ce moment avec le système d'élevage intensif.

Mais les promoteurs de la viande artificielle attirent également à notre attention le bilan des émissions de CO2 de l'élevage, celui-ci étant équivalent à celui des transports. Les pollutions induites par l'élevage industriel, comme c’est le cas pour un grand nombre de porcheries, sont également citées en exemple.

En terminant, la Peta, cette association qui œuvre pour un traitement éthique des animaux, s'est dite prête à offrir un million de dollars à la première entreprise qui arriverait à mettre au point un procédé de culture de la viande industrielle. Imaginez-vous le nombre de steaks que vous pourriez acheter avec un million !
 

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