Un parapluie n’empêche pas l’eau de tomber…
(Par Yves Allard)
Lorsque
je mets les pieds dans une salle afin d’assister à un évènement du
genre, je dois souvent jongler avec un léger inconfort qui, fort
heureusement, s’estompe au bout de quelques minutes. Les gens
viennent vers moi, me serrent la main, se présentent… Et c’est
habituellement à partir de ce moment que ça se complique : Pendant
que je m’efforce de retenir le nom de mon interlocuteur, j’essaie de
saisir les groupes de lettres qu’on me lance à un rythme trop rapide
et qui suivent habituellement le nom d’un peu trop près à mon goût…
Bon, c’est pas clair mon affaire… Un exemple : « Bonjour, Jean-Marc
Deschamps-Doré de l’AGHTQ, je travaille actuellement avec le MEAPGC
sur le dossier du REUTQ à propos de ce qui est arrivé dans le projet
du DOECQ »… Ce à quoi je serais tenté de répondre : Enchanté, moi
c’est Yves Allard, je travaille actuellement avec du bin bon monde,
je ne suis pas au courant de tous les dossiers et je ne parle pas
encore « lettrage agricole »!
Une fois de plus la chance m’a souri puisque, sans le savoir, je me
suis assis à la même table que M. Michel St-Pierre, ex sous-ministre
du MAPAQ. M. St-Pierre étant le conférencier invité, les gens à ma
table ont tellement échangé sur le sujet d’aujourd’hui pendant le
repas que j’ai pu mieux comprendre les enjeux dont il serait
question avant même que la conférence ne débute… Merci la vie!
Le
thème de la conférence : Au Québec, en agroalimentaire, une
diversification des marchés s’impose. Voici donc certains éléments
que j’ai retenus suite à cette présentation…
Au début des années 60, le salaire d’un agriculteur équivalait à
environ 45% du salaire moyen d’un travailleur québécois. Les
agriculteurs vivaient donc généralement beaucoup plus modestement
que le reste de la population. Puis, certaines politiques furent
mises en place afin d’éviter que ceux-ci se retrouvent dans une
situation financière précaire suite à un rendement anormalement bas
dû aux caprices de dame nature par exemple. Ceux qui profiteraient
de ces nouveaux programmes allaient maintenant bénéficier d’un
revenu minimum plus décent et on favoriserait également certains
créneaux afin de promouvoir une culture de spécialité.
Une partie des agriculteurs a préféré, avec raison, suivre une
direction davantage « supportée » par l’un ou l’autre de ces
différents programmes plutôt que chercher à développer de nouveaux
moyens de rentabiliser leur entreprise. C’est un peu comme si
certains de ces agriculteurs s’étaient trouvé une sorte de parapluie
et qu’ils pouvaient maintenant produire sans se soucier de la pluie
qui pourtant continu de tomber. Ces programmes de soutien ont pour
but d’aider les agriculteurs et alléger leur fardeau, mais on
constate que cette « protection » a, dans certains cas, engendrée un
moindre souci de la tendance et de l’évolution des marchés. Pour
certains, la nécessité de se dépasser et innover semble ne plus
partie de leurs préoccupations.
Alors
qu’ils ne pouvaient s’offrir mieux que le vieux Ford bleu pâle
rouillé de « mononc Alcide» il y a une cinquantaine d’années, on
retrouve maintenant bien souvent dans l’entrée de cours des
agriculteurs un pick-up de 50 000$ en plus d’une petite auto récente
pour faire les courses au village... Et ça, c’est sans compter la
machinerie à la fine pointe. Mais les agriculteurs du Québec sont en
moyenne quatre fois plus endettés que ceux des États-Unis et deux
fois plus que ceux du reste du Canada… Avec seulement 2 millions
d’hectares cultivables (soit presque quatre fois moins que la
France) qu’est-ce qui nous fait croire que notre agriculture est en
si bonne santé? Les agriculteurs peuvent aujourd’hui bénéficier
d’une meilleure qualité de vie que par le passé, certes, mais est-ce
que ce sera toujours le cas?
Vers la fin des années 70, le défi était de rendre nos produits sur
les tablettes des supermarchés. Nouvelle réalité de l’époque, le
marché était désormais dominé par les Steinberg et compagnie, des
géants de l’alimentation. En moins de cinq ans,
l’économie locale avait été reléguée au second rang « pas à peu près
».
Aujourd’hui les enjeux ont changés et même si les produits de masse
occupent toujours la plus grande part du marché, il semble que, par
exemple, la demande pour des produits à valeur ajoutée soit en
pleine croissance. Ceux-ci peuvent parfois offrir une alternative
intéressante, voire fort lucrative pour le producteur qui veut
capitaliser sur les nouvelles tendances.
Mentionnons simplement le fait que de plus en plus de gens désirent
« manger santé » mais aiment le côté pratique du « prêt à manger »…
N’y a-t-il pas là un potentiel exploitable? Qui aurait cru, il y a
seulement quelques années, que la laitue « déjà préparée » serait si
populaire? (à ce sujet, j’ai remarqué qu’ il y en a une qui porte
l’inscription « lavée trois fois »… Vous pouvez m’expliquer pourquoi
ils ne la lavent pas juste une fois mais… « comme faut »? C’est
comme les rasoirs qui sont rendus avec 5 lames… c’est tu vraiment
moins dommageable pour la peau que de passer 2 fois avec un rasoir à
deux lames? Je m’éloigne un peu du sujet… Désolé… :o)
Une chose est certaine : si l’on vise la longévité d’une entreprise,
il faut regarder les tendances du marché et ne pas oublier qu’on se
fait souvent dépasser par des gens qui trouvent le moyen, avec les
mêmes conditions, d’être plus performants. Il a également été prouvé
que c’est dans les secteurs les moins soutenus que l’on retrouve le
plus d’initiatives de la part des producteurs…
Un soir, il y a de ça une vingtaine d’années, je m’étais endormi
devant la télé pendant un film deeee… James Bond je crois. Je me
suis réveillé vers 2 heures du matin, étendu sur le divan, la télé
encore allumée. À mon réveil on diffusait une entrevue avec Don
Johnson, connu à l’époque pour son rôle dans Miami Vice. Ce dernier
expliquait qu’il fallait absolument tenir compte de 2 règles dans la
vie si on , règles qu’il s’efforçait d’appliquer lui-même à son
quotidien… Bizarrement, je les ai toujours retenues …
Règle
#1 : La vie est en constante évolution, alors il faut savoir
s’adapter… Sinon, soit on se fait dépasser, soit on perd notre
énergie à essayer de faire en sorte que les choses n’évoluent pas…
Mais elles évolueront de toute façon… (Ex : mondialisation)
Règle #2 : La vie est imprévisible et parfois bien injuste… Alors on
ne doit rien prendre pour acquis… C’est pas parce que ce n’est pas
supposé arriver que c’est certain que ça n’arrivera pas… Ce qui nous
facilite la vie aujourd’hui pourrait ne plus être là demain… (Ex :
programmes gouvernementaux)
Savoir s’adapter ne veut sûrement pas dire qu’il est correct, pour
ne citer qu’un exemple, d’augmenter la production de veaux
d’embouche (alors qu’il n’y a à peu près pas de demande) simplement
parce que ce type d’élevage profite d’un meilleur soutien financier…
Et ne rien prendre pour acquis ne veut sûrement pas dire que si l’on
se promène toujours sous un parapluie, on ne sera jamais trempés… Un
parapluie offre une certaine protection, je vous l’accorde… Mais si
un jour la pluie vient qu’à tomber abondamment, ce n’est pas parce
que l’eau ne touche pas votre tête que vous ne risquez pas de vous
retrouver… les deux pieds dedans!
Les initiatives d’hier sont-elles encore les solutions de demain?
C’est aujourd’hui que ça se passe… Et selon M. St-Michel, une
diversification des marchés s’impose…
Si vous avez des commentaires, des suggestions, ou que vous aimeriez
me rencontrer pour discuter d’un sujet pouvant faire l’objet d’un
prochain article, n’hésitez surtout pas à me contacter… je suis là
pour ça!
yves.allard@societeagriculture.com
P.S. Je m’en voudrais de passer sous silence le petit feuilleté aux
pommes que l’on nous a servis comme dessert au Club de Golf de
Ste-Hyacinthe ce jour-là… vraiment délicieux… :o)
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