Le vin au goût de coccinelles…
Par Yves Allard

Il y a de ça près de 100 ans, on a commencé à importer d’Asie des coccinelles afin d’aider les agriculteurs d’Amérique à lutter contre les pucerons. Importée en Europe, en Amérique du sud, et plus grand nombre en Amérique du nord au cours des années 80, l’Harmonia axyridis (coccinelle Asiatique) est maintenant considérée comme un insecte nuisible, qui endommage, entre autres, certaines productions viticoles. Ces dernières sont parfois récoltées avec le raisin lors des vendanges et les substances qu’elles émettent modifient le goût du vin…

En passant, la coccinelle Asiatique (ou « bête à bon dieu »), c’est celle qui est orangée avec des petites taches noires, ou rouge avec des taches noires, ou même noire avec des taches rouge… la « bibitte à patates » (ou Colorado potato beetle), c’est une autre sorte de bibitte dans le même genre, sauf qu’elle est plutôt jaune avec des rayures noires… ne me dites pas que je suis le seul qui ne savais pas ça ?

Selon une légende, le nom de « bête à bon Dieu » proviendrait du moyen âge : Un homme, qui était accusé d’un crime qu’il n’avait pas commis, fut tout de même condamné à être décapité. Au moment où il s’apprêtait à poser la tête sur le billot, il vit une coccinelle et, craignant de l’écraser, il la saisit délicatement pour l’éloigner de la structure de la guillotine. Lorsque les juges présents virent ce geste, ils se regardèrent avec étonnement et, d’un commun accord, décidèrent qu’un homme qui faisait preuve d’un cœur aussi sensible ne pouvait être un criminel.

L’innocent fût ainsi gracié, et les spectateurs, convaincus que le Très-Haut avait envoyé la bestiole pour sauver le condamné, donnèrent spontanément à l’insecte sauveur le nom de Bête à Bon Dieu.

Ceci étant dit, cette coccinelle n’est donc plus simplement une arme biologique efficace au service des agriculteurs. Depuis 1988, à l’est des États-Unis, des foyers d’invasion sont apparus et celle-ci s’attaque maintenant également à d’autres insectes. Je ne sais pas pour vous, mais j’ai remarqué depuis les dernières années qu’un nombre plus important de coccinelles se fraient un chemin jusqu’à l’intérieur de chez moi, chose que je ne voyais pratiquement jamais il y a 7 ou 8 ans par exemple.
Maintenant, il y en a tellement, que parfois j’ai l’impression qu’elles se mettent en gang et déplacent mes meubles pendant que je suis absent de la maison… la première cause du « cognage » de petit orteil sur une patte de table à café* selon statistique Canada… oui, c’est la faute des coccinelles ! (rires)

Blagues à part, malgré le fait qu’elles prennent maintenant d’assaut nos maisons, elles sont sans risques ou à peu près pour nous les humains (sauf pour nos orteils) et n’abîme rien dans la maison. Les seules traces de leur passage seraient en fait d’éventuelles taches jaunes sur les murs lorsqu’elles sont écrasées. Semble-t-il que mis à part quelques très rares cas d’allergie, elles n’auraient aucune incidence sur nos vies de façon directe. Et parait-il que l’aspirateur demeure une arme efficace dans le cas de ce type d’invasion de domicile !

Une seule coccinelle peut dévorer des centaines de pucerons par jour, et les cochenilles, les psocoptères, les psylles et les tétranyques figurent aussi au menu de cette espèce. Mais encore aujourd’hui, on explique mal son caractère devenu invasif et certaines recherches sont présentement en cours afin de déterminer si elles auraient pu subir, au fil du temps, un changement évolutif propre à les rendre ainsi.

La commercialisation de la Coccinelle asiatique semble plutôt irréfléchie, et est d’autant plus malheureuse qu’une espèce indigène, la Coccinelle à deux points (également produite en masse), ne pose aucun des problèmes que l’on connaît maintenant avec La coccinelle asiatique. Celle-ci est aussi commercialisée auprès de particuliers, mais elle demeure toutefois plus chère que sa cousine asiatique (finalement, c’est comme certains autres produits qu’on achète en provenance d’Asie : C’est moins cher, mais ça a parfois ses petits défauts!)

Lorsque j’étais tout petit, on disait que le nombre de petits poids sur une coccinelle nous disait son âge, en nombre de mois ou d’années. Evidemment, ce n’est pas le cas, puisque ces motifs dépendent exclusivement de l'espèce, et demeurent un excellent moyen de la caractériser. On retrouve des coccinelles à deux, cinq, sept, dix, quatorze, vingt-deux et même vingt-quatre points.

Au Canada, plus de 60% des coccinelles observées aujourd’hui appartiennent
à deux espèces importées. Je ne sais pas quelle espèce exactement réussie à entrer dans nos maisons, mais la prochaine fois que vous vous cognez le petit orteil sur la patte d’un meuble, au lieu de laisser croire que vous êtes maladroit, vous pourrez toujours passer ça sur le dos des coccinelles … ;o)

* j’ai utilisé la table à « café » (plutôt qu’un autre meuble avec pattes) en référence au mot « käfer », qui, en allemand, signifie «beetle »… d’où provient le nom de la célèbre « coccinelle » de volkswagen… (oui, méchant lien… j’vais finir par me fouler une neurone en travaillant de la sorte !)
 

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