Ces lapins qui pondent des œufs…
Par Yves Allard

On s’est tous déjà demandé pourquoi, à Pâques, on associe les œufs et les lapins, sachant très bien qu’aucun des deux ne provient de l’autre. Le symbole du lapin, lui, ne date pas d’hier : on en trouve supposément des traces jusque dans l'Antiquité, environ 3500 ans avant Jésus-Christ. Bon, à cette époque, ce n’était probablement pas un lapin de Pâques, puisque cette fête souligne la résurrection de Jésus, trois jours après sa passion. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais j’imagine que 3500 ans avant Jésus-Christ, Jésus n’était pas encore né, et n’avait donc probablement pas vécu sa passion non plus… (parlant de passion… je suis content que la mienne soit la musique… la sienne était vraiment quelque chose !)

À l’époque, il s’agissait plutôt d'un lièvre, symbole d'abondance et de renouveau qui correspondait au printemps. Mais comment s’est fait le lien avec les œufs? Selon une légende, un indigent trop pauvre pour offrir des douceurs à ses enfants avait décoré et caché des œufs dans le jardin avant d'y envoyer ses enfants. Ceux-ci, apercevant un lapin, pensèrent que c'était lui qui avait pondu les œufs. La tradition a par la suite été exportée aux États-Unis par des immigrés allemands et, de là, serait né le fameux Easter Bunny.

La tradition d'offrir des œufs remonterait, quant à elle, à l’Antiquité. Déjà, les Égyptiens et les Romains offraient, au printemps, des œufs peints, symbole de la vie et de la renaissance. De plus, l’Église ayant instauré, au IVème siècle, l'interdiction de manger des œufs pendant le Carême (et n’ayant pas réussi, malgré sa grande autorité, à arrêter les poules de pondre), les œufs pondus depuis le début du Carême étaient alors décorés et offerts.

De nos jours, au Québec, le jeûne n'est plus observé aussi strictement mais certains le pratiquent toujours de différentes façons. Quand j’étais petit, on se passait de bonbons et de chocolat pendant 40 jours (j’me serais fait cloué sur un deux par quatre que ça n’aurait pas été plus pénible!). Puis, en vieillissant, voyant que l’Aero à l’orange ou les framboises rouges en jujube réussissaient toujours à se frayer un chemin jusqu’à mes cachettes les plus inusitées, on s’est mis d’accord, mes parents et moi, pour dire que l’idée, c’était de se priver de quelque chose qu’on aime (J’ai donc enfermé mes parents dans le sous-sol pendant 40 jours, sans Aero à l’orange, pour leur démontrer mon amour pour eux… ).

Ce serait des commerçants du XVIIIe siècle, qui auraient eu l'idée d’offrir des œufs et des lapins en chocolat, une idée qui a vraisemblablement fait son chemin! Bon, le chocolat c’est du sucre, ça donne des caries, etc… mais je crois que cette option est dans bien des cas préférable à la tradition qui s’était installée au Québec après la Révolution tranquille, soit, celle de donner de vrais lapereaux aux enfants pour la fête de Pâques.

Si à Pâques les gens se tournent traditionnellement vers la ferme et ses animaux, ce n’est pas tout le monde qui peut prendre soin adéquatement de petits animaux au sein de son quotidien. Cette tradition a donc eu des conséquences néfastes sur la vie de ces pauvres lapins, la grande majorité de ceux-ci se retrouvant rapidement à la SPCA et terminait son voyage « en euthanasie ». Certains marchands sans scrupules allaient même jusqu’à teindre des lapereaux et des poussins pour les rendre encore plus attrayants… pauv’tis…

Grâce à la pression exercée par les organismes de protection des animaux, la tradition s'est par la suite estompée. Nous pouvons toujours voir les différents animaux de la ferme dans la grande majorité des centres commerciaux à ce temps-ci de l’année, mais ces petites bêtes ne sont pas pour la revente directe sur place quand on les trouve tellement « kioute » qu’on veut les ramener à la maison sans réfléchir suffisamment à ce que ça implique par la suite… (boy, c’t’ait long ça comme phrase!) En tout cas, pas dans les centres commerciaux auprès desquels j’ai vérifié. Certaines animaleries sérieuses vont même jusqu’à donner des lapins en chocolat en lieu et place des versions qui respirent… C’est tout de même toute une amélioration!

Le dimanche de Pâques est le jour le plus saint du calendrier. À travers les différentes époques, les différentes traditions, Pâques est toujours demeurée le symbole de la vie qui renait après un long silence. Il est donc tout à fait logique que cette fête soit reliée au monde de l’agriculture. Mais je ne peux pas croire qu’il ait fallu qu’un gars soit cloué sur une croix et qu’on nous fasse subir des supplices (tel celui de l’Aero à l’orange) pendant 40 jours afin que les gens de tous les milieux, malgré un rythme de vie souvent effréné, continuent d’être en lien avec l’agriculture lorsque renait le printemps…

L’agriculture, c’est la vie au cœur de notre quotidien à tous, rien de moins… et ce, avec ou sans lapins en chocolat qui pondent des œufs!

*le « s » de Pâques ne fait pas référence à une pluralité de dates. La langue française distingue en effet « la » Pâque originelle juive et la fête chrétienne de Pâques. La première commémore la sortie d'Égypte par un repas rituel qui s'appelle aussi « la Pâque ». La fête chrétienne est multiple. Elle commémore à la fois la sortie d'Égypte, l'institution eucharistique lors du repas de la Pâque, la crucifixion du Christ et son repos au tombeau le septième jour, sa résurrection, passage de la mort à la vie, et la nouvelle création inaugurée le huitième jour. (source : wikipedia)

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