Une année charnière pour les wapitis de Stéphane Coussard

Hélène Goulet

Quand Stéphane Coussard a décidé de se lancer dans l’élevage de wapitis à Saint-Robert, en 2001, il voulait en quelque sorte préparer sa retraite, sa « liberté 55 », comme il le dit.

À l’époque, le commerce des cornes de wapitis était à la hausse et Stéphane Coussard pouvait vendre la totalité de sa production sur le marché asiatique, principalement en Corée, où ce produit est fort prisé.

Les cornes de wapitis doivent leur popularité à leur cartilage, qui contient beaucoup d’antioxydants. Le produit est utilisé depuis des millénaires en Asie, surtout contre l’arthrite. Il est particulièrement très populaire en Corée où le marché des produits naturels est très élevé. En comparaison, le marché québécois est fort modeste, constate M. Coussard.

Hélas, l’apparition d’une maladie débilitante chronique dans les élevages de wapitis sauvages de l’Ouest canadien en 2003 et l’apparition de la maladie de la vache folle un peu plus tard, ont malheureusement coupé drastiquement le marché extérieur. « Aujourd’hui, le marché de la corne est à terre », déplore Stéphane Coussard, qui a vu son troupeau de wapitis passer de 49 têtes à 26. Un phénomène généralisé au Québec, puisque le nombre de producteurs membres de l’Association des producteurs de wapitis du Québec est passé de 27 à 12. Le producteur du célèbre « Vie de velours », un Québécois, a réduit son troupeau de 900 à 300 têtes.

Pourtant, en 2001, l’élevage de wapitis s’avérait une entreprise relativement florissante. Le wapiti, une bête à corne s’approchant du chevreuil, est un animal facile à élever et demande peu d’entretien. Entre 2001 et 2003, les cornes, qui poussent chaque année, se vendaient 50 $ la livre sur le marché international, alors que le taux de rentabilité est d’environ 30 $ la livre.

Puis, lorsque le marché a commencé à s’effondrer, Stéphane Coussard a tout de même réussi à vendre sa production de corne à 29 $ la livre à Hong Kong… pour ensuite les céder à 10 $ la livre, puis à 7 $ la livre en Ontario en 2008.

Une catastrophe, on peut en convenir, lorsqu’un wapiti mature peut fournir en moyenne de 30 à 35 livres de corne par année, voire jusqu’à 50 livres pour une grosse bête.

« Quand le marché est tombé, j’ai décidé de me concentrer sur le marché de la viande », explique Stéphane Coussard qui avoue, du même coup, « ne pas être vendeur ». La mise en marché de son produit, ce n’est pas facile pour ce producteur qui a également vu le marché de la génétique vers les États-Unis fermer ses portes à son tour en raison des maladies.

« J’ai surtout fait de la vente directement à la ferme ainsi que dans des événements spéciaux, mais je ne vendais pas vraiment assez pour payer mes permis et mes assurances », poursuit le producteur.

L’année dernière, Stéphane Coussard a pourtant eu une lueur d’espoir lorsqu’un projet d’abattoir promettait de voir le jour au Lac Saint-Jean. « J’aurais pu y envoyer toute ma production, et ce, à un prix correct pour moi, mais le projet a avorté car le terrain choisi était contaminé. » Nouveau déboire, donc, pour notre éleveur, qui met ses derniers espoirs dans l’ouverture éventuelle, cet été, d’un nouvel abattoir à Chambord.

« Pour moi, c’est une année charnière. Ça passe ou ça casse cet été », admet celui qui travaille également aux Poudres métalliques du Québec.

Stéphane Coussard retient donc son souffle pour les six prochains mois et a même suspendu son permis de vente de viande en attendant.

Si l’abattoir finit par ouvrir ses portes, il pourra vendre la viande de wapiti, une viande qui permet de belles coupes et qui offre peu de perte. Cette viande, selon M. Coussard, se situe entre celle de l’orignal et du chevreuil. Elle est plus goûteuse que celle du bœuf, quoique sa texture s’y apparente, et elle est moins rouge que celle du cheval. Elle est riche en protéines et en fer et pauvre en gras.

Un mâle adulte, qui produit les cornes, peut peser jusqu’à 1000 livres, alors que les femelles, qui n’ont pas de corne, pèsent en moyenne 650 livres. L’animal vient à maturité à quatre ans.

Les cornes des mâles sont coupées à partir de la deuxième année en juin, chaque année. « La coupe des cornes se fait à un moment précis, car si on attend trop, la corne devient trop dure et c’est trop tard. Et si on coupe trop tôt, il y a de la perte », explique Stéphane Coussard. Les cornes poussent à environ un quart de pouce par jour. Les bois ressemblent plus à ceux d’un chevreuil qu’à ceux d’un orignal.

À l’heure actuelle, en mars, les mâles ont ce que M. Coussard appelle un « cap » sur la tête, qui tombera sous peu pour faire place aux nouvelles cornes.

Les bêtes vivent dehors, en groupe. Elles n’ont pas besoin d’abri. Les mâles sont séparés des femelles. « Ça ne demande pas trop d’ouvrage, si on exclut la période de la coupe des cornes, les traitements contre les parasites et les blessures à l’occasion. Cette année, les wapitis qu’il possède seront également dotés d’une puce électronique

C’est un animal très rustique, qui a un petit côté sauvage. Parfois, les femelles vieillissantes deviennent même un peu agressives. « Il faut alors les affronter de face et ne pas leur tourner le dos », explique M. Coussard. Les wapitis sont nourris avec du grain, de l’avoine, du tourteau de soya (afin d’élever le taux de protéines) et, l’hiver, avec du bon foin.

La femelle vêle en mai, après une grossesse de 245 à 255 jours. M. Coussard ne procède pas à l’insémination artificielle et laisse faire la nature. « Pour savoir si une femelle porte un petit, je devrais effectuer un test sanguin, ce que je ne fais pas. C’est une surprise chaque année », admet-il. Le taux de réussite est d’environ 65 %, précise-t-il.

Bref, Stéphane Coussard croise aujourd’hui les doigts, en espérant que l’abattoir ouvrira bien ses portes cet été, à Chambord.
 

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